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Saint-Malo de siècles en siècles

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 « Saint-Malo, bâti sur la mer et los de remparts, semble, lorsqu’on arrive, une couronne de pierres posée sur les flots, dont les mâchicoulis sont les fleurons. (…) Le tour de la ville par les remparts est une des plus belles promenades qu’il y ait. Personne n’y vient. On s’assoit dans l’embrasure des canons, les pieds sur l’abîme. On a devant soi l’embouchure de la Rance, se dégorgeant comme un vallon entre deux vertes collines, et puis les côtes, les rochers, les îlots et partout la mer. » Gustave Flaubert, Par les champs et par les grèves, 1847.


Le nom de Saint-Malo (…) renvoie d’abord au fait religieux, puisque c’est un ermite gallois, Malo, qui donne son nom à ce rocher insulaire de dix hectares où il s’installe à la fin du VIème siècle, et son caractère sacré de « minihy », attirant bannis et réfugiés, et justifiant le transfert au milieu du XIIème siècle par l’évêque Jean de Châtillon du siège de l’évêché d’origine gallo-romaine d’Alet, installé initialement sur Saint-Servan. Le rocher « de Saint Malo » devient alors pour six siècles, jusqu’en 1790, le siège d’un des neuf diocèses de Bretagne, avec un ressort s’étendant jusqu’en forêt de Brocéliande, et une ville épiscopale avec sa cathédrale, son chapitre de chanoines et un pouvoir seigneurial s’exerçant sur le rocher, désormais urbanisé sous la protection de son enceinte de remparts.

L’essor urbain de ce site exposé s’explique surtout par l’existence, à l’abri du rocher, d’un site portuaire favorable – un port d’échouage de grande capacité – attirant « mariniers et marchands », qui développent dès les XIIIème – XVème siècles un commerce maritime actif sur la façade ouest-européenne, de l’Espagne et Bordeaux à l’Angleterre et aux Pays-Bas, en combinant cabotage et redistribution des marchandises.

Après 1500, une bourgeoisie marchande dynamique sait saisir les chances de l’ouverture océanique, pour faire de Saint-Malo un foyer portuaire d’envergure internationale. Les Malouins développent à grande échelle la pêche morutière à Terre-Neuve, qui emploie chaque année de 3000 à 4000 matelots recrutés sur toute la côte nord de Bretagne, et se prolonge par des circuits de livraison jusqu’en Méditerranée, avec leurs flux commerciaux de retour. Au vu de cette expérience océanique précoce, on comprend que François Ier ait pu choisir un pilote malouin, Jacques Cartier, pour conduire depuis Saint-Malo en 1534-1535 des expéditions de découverte vers l’Ouest, qui, à défaut de trouver une route vers la Chine, lui permettent de découvrir l’estuaire du Saint-Laurent et le « pays de Canada ».

Simultanément, ils créent à partir du milieu du XVIème siècle une liaison maritime régulière vers Cadix pour y exporter les toiles de l’Ouest, et d’abord les bretonnes, vers les marchés hispano-américains, en contrepartie de massifs retours d’argent. De même, ils se tournent dès le début du XVIIIème siècle vers l’océan Indien, directement d’abord en prenant le contrôle de la Compagnie des Indes dans la décennie 1710-1720, puis en participant de l’intérieur aux activités de la Compagnie et au développement de l’Ile de France, dans le sillage de Mahé de La Bourdonnais.

Ce sont là autant de sources d’accumulation de la richesse entre les mains de « Messieurs de Saint-Malo », qui savent aussi pendant les guerres reconvertir leurs navires dans la course, pour la capture du trafic marchand ennemi, où s’illustrent mains capitaines, de Duguay-Trouin sous Louis XIV avec la prise de Rio en 1711, à Surcouf, dans l’océan Indien jusqu’au début du XIXème siècle. Cette capacité de nuisance du « nid de corsaires » fait d’ailleurs de Saint-Malo une cible privilégiée pour les attaques anglaises, avec les bombardements de 1693-1695 et les descentes de 1758, que peuvent seulement freiner les fortifications spectaculaires édifiées depuis Vauban sur les pointes îlots environnants.

Les hautes et austères façades des hôtels de granit édifiés face aux remparts sur les agrandissements de la ville au début du XVIIIème siècle témoignent encore de la réussite matérielle de cette élite négociante, avec de grandes dynasties comme les Magon et Le Fer, et des self made men audacieux comme Danycan ou Meslé de Grand-Clos. Cette élite produit en son sein une pléiade de grandes figures intellectuelles à la forte personnalité, du savant Maupertuis, explorateur et membre de l’Académie des sciences de Berlin, aux figures de proue du romantisme que sont Lamennais et Chateaubriand, qui s’y fait enterrer en 1848, au Grand Bé, face à la mer.

Après une crise révolutionnaire qui décapite une partie de son élite négociante et asphyxie ses trafics pendant les guerres de 1793 à 1815, Saint-Malo, dépouillée de son siège épiscopal, simple sous-préfecture, connait un déclassement progressif de son port, qu’accentue la lenteur de sa modernisation, les travaux de construction des bassins à flot ne s’achevant qu’en 1931. Avec l’effacement de la grande pêche morutière au cours du XXème siècle, réduit au statut de port régional, Saint-Malo conserve encore un axe dynamique avec les liaisons par ferry avec l’Angleterre et les îles anglo-normandes, avec des flux annuels de plusieurs milliers de passagers.

Dès le milieu du XIXème siècle d’ailleurs, Saint-Malo sait jouer précocement une nouvelle carte d’avenir, celle du tourisme balnéaire, en valorisant son site exceptionnel et son patrimoine architectural (restauré en partie à l’identique après les terribles destructions de 1944), et en construisant habilement son image médiatique de « cité corsaire » pour développer une attractivité touristique exceptionnelle (…). Avec la création d’une technopole, Saint-Malo (…) est entré dans le XXIème siècle en se positionnant sur le créneau des industries innovantes valorisant les ressources de la mer, nouvelle forme d’aventure contemporaine.

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